Un des nombreux Oradour-sur-Glane en Ukraine
par
Stepan Semeniuk
© 2000 L'Ukraine-L'Est européen-Ukraine Europe

Le monde entier connaît le nom de ce petit village du sud-ouest de la France, Oradour-sur-Glane, où le 10 juin 1944 les Allemands massacrèrent toute la population du village en représailles de l'assassinat par la Résistance d'un soldat de la division S.S. "Das Reich". Après la guerre, les Français ont reconstruit l'église où les 642 habitants ont péri et à côté, une stèle a été érigée. Le village est devenu un lieu de pèlerinage. Le nom du village se trouve dans toutes les encyclopédies.

Or l'Ukraine, quant à elle, a connu des dizaines de cas semblables. En 1942 par exemple, le village de Kortylissy, région de Kovel, 2.000 personnes furent massacrées. Novembre 1942 au village de Kamianka, 3.000 victimes.

Mais je veux raconter le cas du village de Dobriany, district de Chtchyrets, région de Lviv, dont j'ai appris le sort lors de ma détention à la prison de Lontski, à Lviv.

Peu de temps avant Pâques 1943, on amena dans notre cellule plusieurs nouveaux prisonniers, des paysans, uniquement des gens âgés ou des enfants. Dans la cellule voisine de la nôtre, fut jeté un groupe de femmes avec de jeunes enfants. Les lamentations des femmes et les pleurs des enfants s'entendaient dans toute la prison. Nous apprîmes par les nouveaux venus la cause de leur emprisonnement.

Dans le village de Dobriany, deux agents de la Gestapo qui aidaient à réquisitionner les contingents de céréales, y avaient été tués. Les Allemands avaient incendié le village et massacré la population. Qui plus est, avant la collecte des contingents, un tract de l'OUN (Organisation des nationalistes ukrainiens) intitulé "Pas un grain de céréale pour l'occupant" avait circulé dans le village. Lorsque la commission de ramassage des contingents se présenta au village, personne n'accepta de donner les céréales. Les agents de la Gestapo rassemblèrent les paysans à la mairie où ils commencèrent à leur faire subir de cruels sévices. Les paysans ripostèrent en tuant deux agents de la Gestapo. Le jour suivant, une expédition punitive de la Gestapo arriva au village, toute la population, rassemblée dans l'église, fut tuée et le village incendié. Seules quelques personnes purent échapper au massacre en s'enfuyant dans les bois environnants. Une partie de ces gens fut capturée par les Allemands et emmenée à la prison Lontski.

Le jour même de Pâques, lorsque les cloches de la cathédrale Saint-Georges de Lviv se mirent à sonner, les femmes et les enfants de la cellule voisine pleuraient si fort que les murs de la prison en résonnaient. Progressivement les pleurs se transformèrent en cantique pascal : "Le Christ est ressuscité d'entre les morts, par sa mort il a vaincu la mort et a apporté la vie à ceux qui étaient au tombeau". Bientôt toute la prison reprit ce chant. Il semblait que les murs allaient s'effondrer sous la puissance du chant. Les gardiens impressionnés, ne réagirent pas.

Quelques jours plus tard, les gens du village de Dobriany furent emmenés à la colline de sable de Kryvytsi où tous, vieillards, femmes et enfants, furent fusillés.

La politique de l'Allemagne nazie envers l'Ukraine fut une politique de terreur, et l'action de la Gestapo tout à fait comparable à celle du NKVD. Elle commença par l'élimination physique des dirigeants de l'OUN, puis de tous les indépendantistes actifs. Considérant les terres ukrainiennes comme faisant partie de "l'Est Sauvage" auquel l'Occident ne s'intéressait pas, les Allemands utilisèrent envers la population ukrainienne une terreur massive, dans des proportions bien plus importantes qu'en France, voire même qu'en Tchécoslovaquie, qu'en Yougoslavie ou qu'en Pologne. La déportation de la jeunesse ukrainienne pour le travail forcé en Allemagne (plus de 2 millions de personnes) se déroula dans des conditions rappelant celles utilisées par les négriers pour emmener des esclaves en Amérique.

Les Ukrainiens réagirent en organisant l'Armée des insurgés ukrainiens (UPA) qui lutta d'abord contre les Allemands puis ensuite, après le départ de ceux-ci, contre la nouvelle occupation russe, dans le but de restaurer un Etat ukrainien indépendant, seule garantie d'avenir pour le peuple ukrainien.

Stepan Semeniuk
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