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Akcja Wisla" (1947),
(Opération Vistule)
l'épuration ethnique des Ukrainiens de Pologne,
et le camp de concentration de Jaworzno en Pologne

par
Dmytro Hrytsko-Tsiapka
©1998-2000 L'Ukraine-L'Est européen-Ukraine Europe

D'une manière générale, l'Occident et les Ukrainiens de la diaspora connaissaient peu de choses sur l'opération "Wisla" (Vistule) qui s'est déroulée en 1947 en Pologne . Ce fut une déportation massive et brutale de la population ukrainienne de son territoire ancestral situé le long de la frontière avec l'Ukraine soviétique, dans les régions de Loubatchiv, Loublynets, Yaroslav, Volodava, Peremyshl, Lisko, Sianok, Novyi Sancz, etc.

Des centaines de milliers de gens furent déportés vers les territoires que les Polonais avaient récupérés sur l'Allemagne à la fin de la Seconde guerre mondiale.

On a dit parfois que cette déportation inhumaine avait été ordonnée pour enlever à l'Armée des insurgés ukrainiens (UPA-OuPA) sa base d'existence et d'activité. Souvent on a entendu dire que s'il n'y avait pas eu l'UPA, il n'y aurait pas eu de répressions, si les gens de l'UPA n'avaient pas tué le général Swierczewski, vice-ministre de l'intérieur polonais, le 23 mars 1947, les Polonais n'auraient pas déporté les Ukrainiens sur les territoires repris à l'Allemagne. Peut-être. Mais le plus probable est que tous les Ukrainiens vivant en Pologne, à l'ouest de la frontière avec l'Union soviétique, auraient été massacrés ou rejetés de force en Ukraine soviétique dès les années 1944-1945. Grâce à la lutte armée de l'UPA et de l'OUN (Organisation des nationalistes ukrainiens-OuN-OUN), la tentative de déplacement de tous les Ukrainiens en Ukraine soviétique ne put se faire et près de 300.000 Ukrainiens restèrent dans les limites de la Pologne populaire, sur les territoires ethniquement ukrainiens. D'après les données polonaises lors de l'opération "Wisla" ("Vistule") près de 160.000 autochtones ukrainiens ont été déportés vers le nord et le nord-ouest. Mais ce chiffre n'est pas exact.

Dans le livre de Antoni B. Szczesniak et Wieslaw Z. Szota "Droga do nikad" (Un chemin vers nul part), il est fait mention des réunions entre Polonais et Russes pour la mise au point de la déportation des Ukrainiens, et ceci dès le 21 juillet 1945, soit bien avant l'année 1947. La courageuse lutte armée des Ukrainiens a retardée la réalisation de ces plans criminels pendant deux ans.

La date de la déportation fut fixée tout d'abord pour août 1947 après les moissons. Mais l'assassinat du vice-ministre de l'intérieur K. Swierczewski le 28 mars 1947, obligea les Polonais à avancer la date. Il est possible que les Polonais craignaient aussi qu'après les moissons, l'UPA, s'étant constituée des réserves de vivres, puisse tenir encore un hiver dans les forêts. L'opération commença donc à la fin du mois de mai 1947, après la signature à Varsovie d'un traité d'actions militaires communes contre l'UPA entre les Polonais, les Tchèques et les Russes.

Comment se déroula cette déportation ? Chaque village recevait "officiellement" un délai d'un jour ou deux pour "faire ses paquets". Alors l'armée, très "courageuse" vis à vis de gens sans défense, entrait dans le village. Tous les habitants devaient avoir quitté le village dans les deux heures. Les gens étaient transportés sur une place préparée à l'avance où s'effectuait un "tri", on plaçait à l'écart les personnes soupçonnées de "collaborer avec l'UPA".

Qui étaient ces "suspects" ? Le plus souvent, c'étaient des vieillards surpris dans la forêt alors qu'ils ramassaient des fagots pour chauffer leur maison, des garçons qui faisaient paître des vaches près des bois; une jeune fille qui avait lavé une chemise à un soldat de l'UPA, et surtout une soeur, un frère, le père ou la mère d'un soldat de l'UPA.

D'après le rapport du général Blum, 1509 membres de l'UPA ont été liquidés lors de l'opération "Wisla" ("Vistule") et 2781 furent internés au camp de concentration de Jaworzno en tant que "fascistes actifs".

Le camp de concentration de Jaworzno, sous l'appellation officielle de "Lieu central de travail", situé non de Cracovie, à l'emplacement d'un ancien camp de concentration allemand, a largement surpassé par ses horreurs le célèbre "lieu d'internement" polonais d'avant-guerre de Bereza Kartuzka.

L'inscription au-dessus du portail principal: "Le travail ennoblit l'homme" rappelait la phrase ironique des camps de la mort nazis "Arbeit macht frei". Dans ce nouveau pénitencier polonais, plus de 7.000 Ukrainiens, hommes et femmes, d'âge divers sont passés, dont au moins la moitié a péri du fait du manque de tout soin médical, et surtout de tortures raffinées.

Les nouveaux arrivants à ce "centre de travail" étaient accueillis par les "sourires" menaçants des mêmes officiers et soldats polonais décorés de médailles pour avoir massacré toute la population ukrainienne du village Zavadka Morakhivska, pour avoir brûlé vifs des gens à Terka, Pavlokom, Makovytchi, Pyskorovytchi, Horaïtsa, pour avoir détruit de nombreux villages ukrainiens. C'étaient des sadiques, avides de sang ukrainien, qui prenaient plaisir à torturer physiquement et moralement, à faire souffrir des Ukrainiens sans défense, dépassant parfois en raffinement dans leurs inventions dégénérées leurs concurrents, les membres de la Gestapo allemande et du NKVD russe.

Lorsque je purgeais ma "peine" à la prison de Sztuma, on jeta dans notre cellule un adolescent de 16 ans condamné à une peine de 15 ans. Lorsqu'il fut assuré de pouvoir parler franchement avec nous, il nous raconta ce qu'il avait vécu à Jaworzno. Frissonnant aux souvenirs de ces cauchemars, il raconta :

"Si l'enfer existe il ne peut être pire que le camp de Jaworzno. Là-bas, on ne nous laissait pas un instant en repos. Si tu parles fort on te frappe pour avoir "crié", si tu parles bas, on te frappe car on "n'entend pas"; si tu dors en chien de fusil à cause du froid, on te frappe "pourquoi dors-tu recroquevillé ?" et on te redresse à coups de bâton. Le matin on te frappe car "tu ne t'es pas lavé", bien qu'il n'y ait pas d'eau. Mais la pire était une "bonne femme" qui menait les interrogatoires des jeunes gens et des hommes.

Elle ordonnait a chacun de se déshabiller entièrement, de s'appuyer le ventre contre le bureau de façon que les parties génitales se trouvent dans un tiroir qu'elle avait préalablement ouvert, ensuite elle fermait brusquement le tiroir en criant : "et maintenant, parles!". C'étaient des tortures telles que des soldats endurcis avouait tout ce qu'on voulait et préféraient s'exposer à une longue condamnation plutôt que de continuer à subir ces souffrances chaque jour et chaque nuit ...

A Jaworzno on s'acharnait le plus sur les prêtres ukrainiens et les officiers et soldats de l'UPA. Les officiers suivants, capturés par les Tchèques et remis aux Polonais, sont passés par l'enfer de Jaworzno: le commandant Bourlaka, le Cdt Yar, le Cdt Brodytch, le Cdt Kalynovytch qui ne supportant plus les exactions d'un caporal polonais lui envoyât de toutes ses forces son poing dans la figure tout en sachant quelles en seraient les conséquences. Ainsi, comme pour beaucoup d'autres: tous ces hommes sont morts en martyrs ..."

Dmytro Hrytsko-Tsiapka
©1998-2000 L'Ukraine-L'Est européen-Ukraine Europe

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Un autre récit de "l'Opération Vistule "("Akcja Wisla") à Ulucz en Pologne avec des documents audio (témoignage oral et chant) . (Site en anglais)

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